Tartine de sable

Tu as beau dire que tu n'y vas pas pour les auteurs, c'est quand même bien sympa de les rencontrer.

Il y a les routards, qui ont fait 40, 100, 400 000 Km à pied, en stop, ou en vélo. Ils racontent, pour la dix millième fois, comment ils sont partis avec leur conjoint(e), et comment ils ont été ici, ou bien là-bas. Parfois, ça marche, et ils vendent un livre.
Qu'est-ce que ça doit faire, d'avoir écouté le silence des déserts, et de faire le bateleur au milieu des badauds, comme un vulgaire vendeur de chaussettes?

Il y a Dany Laferrière, qui est aussi charmant que tu le pensais en lisant ses livres. Son dernier s'appelle "Je suis un écrivain japonais". En le lui faisant signer, tu lui dis qu'il y a  un peu escroquerie dans le titre, et il rit doucement.

Dialiba Konaté est venu du Mali. Il trouve Saint Malo "vraiment magnifique", et il te fait écrire ton nom sur un papier, pour ne pas se tromper en le recopiant dans sa dédicace. Tu vois des prénoms et des petits surnoms qui s'enchaînent, avec autant d'écritures.
Il écrit "A Mr Patrick,...."
Le Mr te fait rire.
Il explique que, en Afrique, on en fait pas d'art pour l'art. Tout a un sens: rappeler la place de l'homme dans la nature, garder les racines des familles, qui, chacune, ont leur style de musique, par exemple...

Et puis il y a Pierre Pelot, qui ne semble plus écrire de SF, mais qui écrit de tout, du fantastique, du Polar, du roman, quoi... Paperback Writer. Il ne fait pas trop chaud. Il n'a pas son verre de bière comme il y a trois ou quatre ans.

Et puis l'habituel baratineur, qui attrape les passants avec des trucs du style "aimez-vous l'histoire?" Indice: dis non et fuis. Il a commis au moins des dizaines de trucs.

Et puis des tas d'autres, qui s'ennuient, qui se passionnent, qui écoutent, qui parlent, qui expliquent leurs livres, qui se les font expliquer par les visiteurs.... Gilles Servat serre des mains, Jean-François Deniau nous manque.. D'autres habitués passeront demain.

PPD est dans le coin, déguisé en présentateur de télé, avec une veste et une chemise bleues, avec son éternel sourire ironique et passons.

Sur les marches du Palais du Grand Large, il y a Loïc. Lui, c'est un vrai voyageur. Il a des amis aussi, des tas de gens qui viennent lui parler. Qui le connaissent ou pas. Il a été, sac au dos, un peu partout sur la Terre. Souvent ils ne le savent pas. Mais, malgré son costume de vigile, en charge de contrôler les tampons, il a son nez retroussé, qui semble renifler les odeurs de encore un peu plus loin, et ses yeux bleus avec les sourcils toujours levés de surprise, et son sourire chaleureux. Alors, on lui parle.

Il a manqué l'année dernière, mais promis, on se reverra l'année prochaine.

Chez 10/18, tu achètes "La Circulaire", le neuvième tome des racontars Groenlandais de Jorn Riel. C'est encore mieux que les autres. Ce type aura le Nobel. Le jour où tu l'as vu, avec sa face burinée de gars qui n'en a vu, et sa bio qui disait que c'est un Danois qui vit en Amazonie, tu lui avais demandé (réflexe) s'il parlait anglais. Il t'avait regardé d'un sale oeil. C'est pourtant le derniers des types avec lequel tu souhaiterais passer pour un con.

L'histoire qui s'appelle "Lodvig" est une des plus extraordinaires définitions du voyage que tu aies lues. Pourtant, c'est toujours un type, des chiens, et un traineau sur la neige. Et à chaque fois, c'est passionnant.

Il écrit:

Festival des Etonnants Voyageurs, Saint-Malo, 10 Mai 2008